130 : les parisiens (10) : au vert luxembourg

Voilà un jardin qui a tout le charme des souvenirs d'enfance.


Le quartier est calme et silencieux, les religieuses trottent, nombreuses, sur le trottoir, sans crainte pour leur vertu. Nous sommes à deux pas de Saint Sulpice et non loin de Catherine Labouré la bien nommée, au cœur du Paris Très Catholique. Loin du vulgaire. Entre gens biens.
Même le marché du boulevard Raspail exhale une bienséance de bon ton, tenu qu'il est par des personnes comme il faut, et ce n'est pas ici que vous risquerez d'entendre vanter à grand cris la fraîcheur d'une morue lusitanienne ou les effluves d'un camembert prolétarien.
L'atmosphère, très délicatement empesée, semble confite depuis un demi siècle. Autant dire depuis toujours.

Sauf qu'on ne rencontre plus tous ces petits détails qui faisaient mon Paris d'écolier : la charrette à cheval du livreur de charbon ; le vieux en blouse grise qui crie sur deux tons : "viiitrieeer ... viiitrieeer !" ; l'homme-sandwich qui distribue ses réclames ; la meule à pédale du rémouleur de couteaux.
Les plus beaux hôtels particuliers ont fermé leurs porches et sont devenus de sinistres bureaux où des gardiens patibulaires ont remplacé les concierges, si braves comme il se doit.
Mais la petite boutique du cordonnier au 2 de la rue du Regard est toujours là, elle !

J'ai retrouvé avec plaisir, tels que dans ma mémoire, les kiosques, guinguettes, chalets, estaminets et autres guérites qui parsèment le Jardin du Luxembourg, peints de ce vert anglais si particulier, presque noir quand il est à l'ombre, le plus sombre des verts, plus sombre encore que les verts patrick, basque ou wagon que l'on voit plus souvent.
Et c'est avec émotion que j'ai revu le petit théatre de marionnettes de M. André Desarthis et surtout, toujours là lui aussi, le manège aux chevaux de bois dont les selles usèrent mes fonds de culotte. Les bâches en étaient malheureusement baissées, les hippoxyles se reposaient ce jour-là.
L'occasion de quelques photos ensoleillées entre deux averses orageuses !



7 commentaires:

PACOLEM a dit…

Nostalgie…Nostalgie…
Mais oh ! surprise…
Tout ce que tu évoques, c’est MON enfance !
Entre nos deux enfances (25 ans) les choses n’ont guère changées !
C’est après que tout se précipite.
Pourtant, j’ai d’autres souvenirs, dans ce Luxembourg, d’où je revenais, les genoux écorchés par ces maudits gravillons.
- Le bassin et ses petits voiliers rouges et blancs que l’on pouvait louer.
- Les chaises pliantes pour faire des tunnels avec les copains ; en attendant les clameurs de la chaisière carabosse.
- Les petits ânes gris.
- La tournée des tambours de la garde avant la fermeture des grilles.
- Les cerceaux à section carrée pour les « pauvres » et à section ronde pour moi, que je cassais périodiquement.
- Le petit manège et surtout l’étrange goulotte en bois brut qui retenait l’anneau qu’il fallait enfiler d’un coup de baguette pour l’arracher.
Et pour ce qui de la rue :
- Le vert anglais, presque noir, qui « ornait » le bureau de poste crasseux de la rue Dupin.
- La chocharde qui pissait debout les jours de marché. (Avait-elle une culotte ?).
- Et cette odeur de suie mêlée aux cris du marché, aux klaxons des embouteillés, aux démarrages des autobus.
Bruits et odeurs ne faisant qu’un dans le disque de ma mémoire, gravé à tout jamais..
Encore bravo pour les photos…

Maman a dit…

mes souvenirs à moi, qui ont un an de plus que les tiens : à côté du cordonnier la blanchisseuse qui demandait à laver, empeser et repassser vos robes de baptême trois semaines avant la date pour les mettre en devanture et qu'on puisse admirer son art; une de tes photos montre le banc rond où j'ai retrouvé Yves perdu dans la roseraie, quelle angoisse ! et vers la rue de Fleurus à droite en entrant dans le Luxembourg la sculpture du Bacchus cuvant son vin, là avec vous trois je retrouvais Granny; et l'excellente patisserie du coin de la rue N.D des Champs qui avait un nom pieux, dont je ne me souviens plus, et rue de Rennes la boutique pour poissons, tenue par ceux que nous appelions, Papa et moi "les vieux concubins" et Mamita disant quelques semaines avant notre mariae : "Mais vous vous mariez un mardi, c'est ennuyeux c'est le jour du marché°. Je pourrais écrire des pages, : toi avalant un hanneton, car j'avais ouvert la fenêtre du dalon donnant sur le Bld. Raspail, je n'ai plus pu t'embraaser pendant trois jours. J'arrête, snon je pleure. La vie est trop courte, le temps passe trop vitr....

Maman a dit…

rois fautes : mariage, salon, vite... Il y a du mieux depuis que je vois bien d'un oeil

l'arlésienne a dit…

J'ai eu peur, j'ai cru que l'auteur virait nostalgique, genre "de mon temps..."
Mais entre le texte de l'auteur et les commentaires de la génération précédente, je me dis qu'il est des endroits - presque - immuables et que peut-être avons-nous besoin de temps en temps de nous le rappeler...

Anonyme a dit…

pas facile d'attraper les anneaux des chevaux de bois quand on était gauchère...contrariée.
et mademoiselle germaine? n'est- ce- pas elle qui nous accompagnait au luxembourg avant de nous apprendre à lire?
et le marchand de couleurs du coin des rues d'assas et duguay trouin: celui des cordes à sauter et balles à jongler?

roch a dit…

ah ben je vois que la nostalgie inspire la famille !

Clo a dit…

Si on était sur Facebook, je cliquerais deux fois sur « j'aime » : une fois pour ton texte, une fois pour tes photos. Bravo !