110 : danse ?

- Debussy, tu connais ?
- Ah oui, ça, je connais ! Je crois même que je connais assez bien : les préludes, le quatuor, l'après midi du faune, les chansons de Bilitis, la sonate pour violoncelle et piano (incroyable d'ailleurs cette sonate), etc, etc, même que j'en ai joué au piano, enfin, joué ... vaguement déchiffré plutôt, tu sais, des bouts de Children Corner ...
- Oui, oui, bon, d'accord, mais tu connais "vraiment" Debussy ? Je veux dire, tu en as déjà entendu en vrai au concert, du Debussy ?
- Ah ben euh ... non je crois pas ... mais si ! si ! Pelléas ! Deux fois Pelléas, je me rappelle, une fois à Pleyel, classique, avec la mise en scène, les cheveux de Mélisandre et tout, et une autre fois aux Bouffes du Nord, c'était génial, c'était tout Pelleas mais l'orchestre c'était que deux pianos, c'était encore mieux qu'avec l'orchestre, ah c'était génial ça ... et puis les Bouffes du Nord aussi, c'est génial comme théâtre ! Sinon, la Mer, peut-être ? mais il y a très longtemps alors, quand j'aimais pas la musique classique ...
- Non, je te dis ça parce que moi hier, j'étais au concert, et il y avait du Debussy figure-toi. Et ben c'est pas comme au disque, hein ! Pourtant, je connaissais, c'était les "Danses" pour harpe et orchestre, danse sacrée et danse profane, tu connais ?
- Ah oui, je crois, c'est joli les trucs pour harpe de Debussy, j'aime bien.
- Joli, oui, on peut dire, mais là, j'ai entendu des trucs que j'avais jamais remarqué avant, c'est plus riche qu'on croit au niveau du son, et puis, la harpe, c'est pas facile, ça tricote des phalanges la harpe ! J'avais l'impression d'écouter quelque chose de tout nouveau ! Et puis y'a pas à dire, sa gamme de six tons, ç'est quand même typique de Debussy, on sait tout de suite que c'est lui, ça donne une musique un peu mystérieuse, comme une musique des elfes tu vois ... On se croirait dans un espèce de paradis sensuel à la Puvis de Chavannes ! Oui, non, c'était drôlement bien quand même.

[Puvis de Chavannes : Jeunes filles au bord de la mer]

- Bon mais me dis pas que tu as été voir l'ensemble inter-contemporain pour écouter du Debussy : c'est quand même pas très moderne, ça m'étonne de toi ! Y'avait quoi d'autre ?
- Du Stravinski !
- Stravinski, oui, ça c'est du moderne alors, tous ces rythmes tout ça et je t'en mets plein les oreilles !
- Moderne, moderne ... façon de parler, ça fait quand même un bail qu'il est mort le pauvre ! Ils ont joué "Ragtime" et "Renard", tu connais ?
- Ni l'un ni l'autre, mais tu sais, Stravinski, c'est pas trop mon truc ...
- Et bien tu as tort, c'est toujours merveilleux, Stravinski. "Ragtime", c'est très court, c'est comme un morceau de jazz, mais alors avec un rythme super compliqué, en équilibre instable, comme toujours chez Stravinski, et un orchestre sans cordes : des bois, des cors, un trombone et un célesta, ça donne une tonalité super, ah c'était vachement bien, génial ! Et puis "Renard", ça je connaissais pas et ça aussi c'est merveilleux, avec encore un petit orchestre d'instruments à vent et des violons aussi, genre un peu crin-crin populaire tu vois. Ça fait un peu comme l'Histoire du Soldat, tu te rappelles ? Mais en moins triste et avec plus d'instruments. Dommage qu'ils chantaient en russe, on comprenait rien et il n'y avait pas la chorégraphie pour nous aider ! En fait, comme musique, ça m'a beaucoup fait penser aux "Noces", mais en moins compliqué et en moins long. Mais tu sais, moi, les "Noces", j'adore, c'est ce que je préfère !


[Stravinski : Renard, avec une chorégraphie super bien]

- Bon, et à part ça, y'avait pas de contemporain ?
- Si ! Unsuk Chin !
- Jamais entendu parler, euh, c'est un chinois ça ?
- Non, c'est une compositrice coréenne née en 61, qui a été un moment l'élève de Ligeti et qui a eu de nombreux prix de composition, mais j'avais jamais rien entendu d'elle.
- Ligeti ! Ça doit te plaire ça, tel que je te connais !
- Ah oui, ça m'a plus, mais ça ressemblait pas du tout à du Ligeti. Plutôt à du Magnus Lindberg en fait ou ce genre de compositeur où ça part dans tous les sens, ou comme les spectraux tu vois, mais ça y ressemblait pas vraiment non plus. Non, en fait c'était assez original et justement, j'arrivais pas à trouver à quel autre compositeur ça me faisait penser.
- Et ben c'est plutôt un compliment, non : ça veut dire qu'elle a du nouveau à te faire entendre ta chinoise !
- Coréenne je te dis ! Alors ça s'appelait "Double Concerto" et c'est écrit pour piano et percussions avec un orchestre pas trop volumineux. Le piano, il était "préparé", comme chez John Cage, avec des bouts de métal dans les cordes tu vois, ça donne des sons bizarres, très percussif en fait. Et alors les percussions c'était un vibraphone, une marimba, un xylophone, des timbales, des cloches de vaches, et d'autres choses encore, avec un seul percussionniste pour taper tout ça en passant rapidement de l'un à l'autre : une vraie performance !
- Ah ça devait en jeter alors !
- Ah oui, mais c'était mieux que ça. Il y avait un rythme très soutenu dès le début, avec alternance de phases successives, les unes où piano et percussions se fondent dans l'orchestre, les autres ou pianos et percussions se détachent, avec de rapides notes répétées accompagnées de cordes aux résonances métalliques et quelques éclats de cuivres et de bois. À la fin ça devient carrément foisonnant avant de se calmer un peu. Non, j'ai vraiment trouvé ça bien, intéressant, nettement au dessus de la moyenne et ça me donne envie d'écouter d'autres œuvres. Elle est venu saluer à la fin, c'est toujours sympa ça, ça fait redoubler les applaudissements !
- Un beau concert alors !
- Il y avait encore une autre œuvre, une création d'un jeune allemand qui s'appelle Arnulf Herrmann. Dans l'orchestre il n'y avait que des instruments à vent, mais ils étaient une vingtaine, de la flûte piccolo hyper aiguë qui te vrille les tympans au tuba hyper grave qui pète dans son coin. Ça aurait pu être bien mais en fait ça m'a pas trop plu, ça faisait un peu orchestre d'harmonie désaccordé et pas en rythme. Je pense que les connaisseurs doivent apprécier l'écriture de la partition, mais pour ce qui est du plaisir de l'écoute, c'était bof ...
- Bon enfin dans l'ensemble ça avait quand même l'air super ! Mais au fait, c'était quoi le thème du concert ?
- La danse ! Encore que le concerto de la coréenne, on voyait pas trop le rapport !
- Comment elle s'appelle déjà que j'essaye de m'en rappeler ?
- Unsuk Chin.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

jamais écouté de Debussy en concert mais chaque fois que je m'installe au piano c'est pour lui rendre hommage!

Anonyme a dit…

Notre cher professeur roki nous parle de manière à ce que l'on ne trouve pas ça trop érudit ou je me trompe?

Anonyme a dit…

c'est cati qui parlait!

Anonyme a dit…

c'est cati qui parlait!

Anonyme a dit…

l'est gaga cati ?

Anonyme a dit…

Dialogue entre Roki et ki ? Léon ?
Quoi qu'il en soit je parie que Unsuk Chin a emballé Cati !

Anonyme a dit…

Debussy...Puvis de Chavannes...
Bien sûr ! Je n'y avais pas pensé !
Stravinsky...j'aime.
Surtout "le Sacre du Printemps".

Anonyme a dit…

Eviemment je réponds avec baucoup de retard mais l'ordinateur est rarement libre en même temps que moi. Pour une fois j'ai presque tout compris. Quand tu perleras de Reynaldo Hahn, je penserai à Mamita!
Cati, gâteuse et sans h. Cela ne l'arrange pas d'être grand'mère!