114 : un hippopotame, un train et quelques maillets.

Curieux concert que celui de ce dimanche après-midi dans le petit amphithéâtre de la Cité de la Musique. Sept instrumentistes de l'EIC nous proposaient quelques courtes œuvres d'auteurs variés. Il y avait du bon et du très bon, mais aussi du carrément grotesque ...
Le bon d'abord.

"Stèle" de Gérard Grisey est écrit pour deux ... grosses caisses !
La grosse caisse est un instrument beaucoup plus subtil qu'il n'y paraît et ne se contente pas ici de faire boum boum au fond de l'orchestre. L'une des deux est couverte d'un tissu qui en assourdit le son. L'autre reste nue. Et selon le type de maillet employé, selon la façon dont il atterrit sur la peau, selon l'endroit où il la frappe, on obtient une grande variété de tonalités plus ou moins mates, plus ou moins résonnantes, graves et profondes ou aiguës et grêles. Le rythme au début assez peu repérable se précise dans la durée. Pour peu que l'on aime la percussion, voilà une pièce de 7 minutes fort intéressante.

Il se peut que vous ayez des souvenirs de "Nagoya Marimbas" de Steve Reich puisqu'il y en avait un extrait dans mon cd. Comme d'habitude, voir ce qu'on connaît à l'oreille apporte d'autres impressions. Les deux marimbas sont disposées face à face et la rapidité avec laquelle les percussionnistes manient leur maillet est hypnotisante. La sonorité de ces instruments est magnifique et cette pièce, classique de la musique répétitive, est tout simplement envoûtante.



En fin de concert nous aurons droit à "Music for pieces of wood" du même auteur qui réunit cinq joueurs de claves. Les claves sont des morceaux de bois frappés par de petit maillets. Il s'agit ici d'un entrelacs de rythmes, chaque clave ayant sa propre tonalité et son propre rythme : une version simplifié de "Drummings" si l'on veut, en plus ludique et beaucoup plus courte.



Je ne crois pas vous avoir déjà parlé de Philippe Hurel, compositeur français né en 55 que je connais assez mal mais suffisamment pour le trouver plus que recommandable. Il a écrit en particulier un "Tombeau in memoriam Gérard Grisey". Deux de ses œuvres étaient données ici, toutes deux extrêmement virtuoses, et le compositeur ne cache pas qu'elles ont été écrites pour pousser les instrumentistes aux limites physiques de leurs instruments.
"Loops II" est écrite pour vibraphone. L'instrumentiste tient deux maillets dans chaque main : rapidité et précision d'exécution sont sidérantes. L'œuvre est une succession de boucles d'ampleur variable explosant dans l'espace avant de se refermer sur elles-même. La résonance du vibraphone est telle cependant qu'il aurait été préférable de l'écouter dans une très grande salle, certaines harmoniques étaient ici à la limite du supportable pour nos tympans fragilisés par l'âge ...
"Loops III" est écrite pour deux flûtes. Il s'agit d'une pièce conçue également comme des boucles répétitives avec certains passages calme rappelant les belles et mystérieuses sonorités des shakuachi japonais. Une œuvre très séduisante.

Le grotesque maintenant : deux œuvres d'auteurs dont je n'avais jamais entendu parler.

La première pour tuba seul. Oui, le tuba est un instrument indispensable pour la rythmique des orchestres d'harmonie. Il est aussi indispensable dans les grandes œuvres orchestrales contemporaines grâce à l'extrême profondeur de son registre. Mais là, tout seul sur scène pendant 10 interminables minutes, avec une partition réduite le plus souvent à quelques notes répétées ... Comique au début, ce pauvre gros balourd devient vite aussi pathétique qu'un hippopotame qui danse en tutu rose !

La deuxième pour un trio classique, piano violon et violoncelle. Mais les deux instruments à cordes étaient frottés partout ... sauf sur les cordes. Quant au piano j'étais un peu trop loin pour comprendre exactement ce que faisait le pianiste, mais il n'a en tout cas jamais touché au clavier.
Sortait de cet ensemble une succession de bruits étranges qui m'ont immédiatement transporté dans mon enfance, lorsque, dans le train à vapeur qui nous acheminait vers le midi, on s'arrêtait en pleine nuit dans une gare inconnue : crissements des roues sur les rails, grincements des freins, soubresauts des wagons, bruits de chaînes, jets de vapeur avant un certain silence qui nous permettait de nous rendormir.

[Paul Delvaux : Train de nuit]
(voir ici)

8 commentaires:

Anonyme a dit…

Fragilisés par l'âge ,fragilisés ....pff...

Anonyme a dit…

"une succession de bruits étranges qui m'ont immédiatement transporté dans mon enfance"

> C'était pas si grotesque, donc?

Anonyme a dit…

grotesque n'est peut-être pas le mot exact : ça éveille la curiosité les premières minutes mais l'insistance des musiciens à jouer leur instrument de façon non conventionnelle tourne au procédé et devient vite ridicule !

Anonyme a dit…

"foutage de gueule" est le joli terme employé par ma voisine à la fin de ce morceau !

Anonyme a dit…

Mais qui était donc cette voisine au langage si châtié?

pacolem a dit…

Ah !...
L'inoubliable cri dans la nuit :
"Laroche Migennes...
la vapeur...le crissement...
l'odeur de suie...
la voix d'un autre âge...
Gravés dans la mémoire.
ça remonte à quand ?
50 ans ? 100 ans ? mille ans ?

pacolem a dit…

J'ajouterais: "pacific 231".
J'aime tes deux percussions.

Anonyme a dit…

Je croyais, bêtement j'en conviens, que marimbas était synonyme de xylophone ! que nenni, je n'ai pas pu reprendre notre ProfRoch mais constate que le second nommé n'a pas de résonnateur !
Dommage qu'il n'y ait pas d'extrait de la première pièce !
TRés interessante cette rubrique de culture contemporaine , Merci . Jacques