109 : empathie

Moi et mon pote Riton, ça fait bien dix piges qu'on s' fréquente.

Rapport à sa hanche qu' est nazebroque depuis sa jeunesse et que mon opinel a lardé plus souvent qu'à son tour .... Quand je l'ai charcuté pour la première fois, et c'était pas la der des der, il était déjà passé cinq fois sur le billard, c'est dire que son gigot, c'était pas de la tarte, c'était même une sacrée mouscaille.

Césigue, maintenant, il va sur ses 74 balais, et si ce p'tit mec bosseur est mon pote, c'est qu'il est sympatoche, qu'il la ramène pas avec son mètre soixante et sa guibole bancale, et que sa bourgeoise aussi c'est une frangine tout ce qu'il y a de plus chouettasse, pas le genre à lui faire du contre-carre.


À la retraite, ils se sont barrés au grand air, en Ardèche, le sud de l'Ardèche, près du Gard tu vois, là où y' a du soleil qui caresse dans le sens du poil et où on carme le pastaga sous les châtaigniers. L'hiver, c'est vrai qu'on s' caille un peu les miches mais ça fait pas d' mal à la carcasse. Heureux quoi !
Une fois l'an, ils remontent voir leurs héritiers qui crêchent vers Sannois. Et ils en profitent pour venir me voir, cent bornes aller-retour, juste pour me dire que ça baigne et c'est rien que d'le dire. Fidèle quoi. Mon pote j' vous dis.

Et puis un jour, la catastrophe lui tombe dessus. Une vache de complication des plus gravos qui m'oblige à le tirer de son coin d' paradis, à le prendre dare-dare à l'hosto et à lui fendre la paillase encore un coup. Si c'est pas de la fidélité ça : il voulait pas aller à l'hosto d' son bled !

Et voilà mon Riton qui prend l'idée de pas guérir, le cong ...

Des tombereaux de potarderies à tuer un bœuf, de nouveaux coups de couteaux dans le lard, rien à faire, le voilà de plus en plus faiblard, de plus en plus grisâtre, de plus en plus maigrelet, lui qu'était déjà gras comme une sauterelle.
Et les semaines passent. Et des résultats d'labo que les laborantines téléphonaient voir si on aurait pas piqouzé le raisiné d'un macchab.
Et avec ça un moraval de cimetiavère, tu m'étonnes.
Et sa gravosse j' vous dis pas, chialant muette comme veuve sicilienne, mais bravasse comme pas deux, continuant à faire ses cent bornes tous les jours dans sa p'tit tire pour lui tenir les manettes, et quand le temps était trop pourrave, on lui dépliait un plumard pour qu'elle pionce avec son jules ... Mais ils pionçaient pas, non, ils pionçaient pas : ils pensaient, et c'était ni folichon ni polisson ...
Et, sur la table de nuit, oui, là, à portée de sa pauvre petite poigne, un baveux ouvert sur la pub "Convention Obsèques" (vous faites donc pas d'soucis, on s'occupe de tout) ...
Un cau-che-mar.

Un cauchemar éveillé pour ma pomme aussi bien, et toutes les nuits, suant dans mon pageot comme un rouleau de printemps dans son nuoc man, j'essaye d'entraver ce qui va pas, pourquoi tout ce que j'ai fait ça foire, pourquoi il "me" fait ça, me creusant à chercher des idées, me cuitant de plans merdaveux, sans qu'une soluce n'arrive à wonderiser mon bulbe qui devient nuit après nuit aussi marle qu'une béchamel moisie ...

Et tous les matins, l'angoisse qui m'estrangule, le cauchemar qui continue dans la vraie vie.
Mon pote, j'crois bien que c' coup-là, t'es vraiment cuit d' chez cuit et ça m' fout trop les boules de ne pouvoir qu'attendre la camarade camarde, la Grande Salope à faucille et faux cils qui lui fait un rentre dedans pas possible.

Et puis, une nuit, v'la que j' me met à roupiller comme un mouflet.
C'était un viquende et la nuit d'après, je remets ça, ronflant mieux qu'un père pénard. Et j' vous jure bien qu' c'était pas la picole !
Et le lundi matin, me v' la réveillé tout frais, tout tranquille, tout content (un lundi !!!), sûr que mon Riton tient bon la barre et sûr que, en plus, tenez-vous bien, il va guérir ...
Ça y est, j'ai dû péter une durite car le dernier bilan vendredi, on aurait dit qu'il était déjà refroidi depuis lulure.

Après, ça devient un miracle de toute première bourre, classe Lazare, que même les grenouilles et les corbacs de Lourdes et du Vatican réunis, ils n'oseraient pas en rêver un commac !
En quelques jours v'la-ti-pas qu'mon Riton se met à sourire, se lève, empoigne ses béquilles et te me le voilà parti dans le couloir sous les hourras des blanches minettes qui n'en croyaient pas leurs mirettes. Et, une semaine après, sa brave moukère le ramenait à la casba où elle lui avait préparé un super steak de canasson, de derrière les fagots, passque l' canasson c'est bon pour les ritons !
La médecine ? Quelle médecine ? Un miracle que j' vous dis !

Tout ça, c'est pas du roman d'hagard, croyez-moi, c'est rien que la pure et choucarde vérité toute à loilpé au bord de son puits, j' le jure !

"Sym-pathie", "com-passion", on dirait qu' ça veut bien dire c' que ça veut dire !

N'empêche, cette espèce d' "empathie télépathique" de spirite à la mord-moi-le-nœud, moi, ça me troue l' cul, pas vous ?

7 commentaires:

Anonyme a dit…

des comme mon frérot, ya pas photo, yen a pas deux comme lui de génial: pas peu fière la soeurette!

Anonyme a dit…

Ah bah tiens, c'est bon à savoir, je peux ajouter une ligne à mon CV : « argot d'Mimile - Lu, compris ».
Pour ce qui est de le parler, en revanche, j'aurais dû insister un peu plus le jour où j'ai commencé la Méthode à Mimile, parce que je suis bien incapable de rédiger un commentaire digne de ta note !

Anonyme a dit…

Bravo !
Mais à censurer...
Parce que ta maman va chialer.

Anonyme a dit…

excellent! tu m'as laissé le stylo coincé dans le gosier

Anonyme a dit…

Génial!!! j'ai du le relire une fois que j'ai vu que ca finissait bien...car qd ca a commencé a se gater pour Riton j'étais trop triste pour apprécier l'excellente écriture de cette note!! Bravo!!!

Anonyme a dit…

C'est de la médecine ou le commissaire San-A se recicle....????

Anonyme a dit…

Roch, tu es extra et ton pote le,Riton aussi, quel métier tu as choisi, et quelles nuits il te fait passer, mais il y a même des miracles "télépathisés" pour les mécréants !. Il a bien de la chance le Riton d'être tombé sur un charcutier de ton genre. Bravo, je ne pleure pas, je suis fière, mais ne t'attache pas trop ; toute vie doit finir.