101 : ennui en série

Le sérialisme m'ennuie ...
Le sérialisme ? Une perversion du dodécaphonisme pour le peu que j'en connais, mais laissons la parole au professeur Simplet :
La gamme de 8 tons (octave) comprend 12 notes (touches noires et blanches du piano). La musique tonale donne plus d'importance à certaines notes qu'à d'autres ce qui a permis pendant des siècles de moduler les mélodies et les harmonies (sonate en si bémol majeur, concerto en ré mineur, etc), leur donnant ainsi des sentiments variés : joie, bonheur, tristesse, nostalgie etc.
Le dodécaphonisme (12 tons) théorisé par Schönberg au début du XXème siècle donne une importance égale à chaque note : la musique est atonale.
La "série", également théorisée par Schönberg, impose au compositeur de ne pas écrire deux fois une note tant que les 11 autres n'ont pas été jouées ... Règle contraignante et castratrice qui laisse peu de place à l'imagination et au plaisir : on se demande pourquoi tant de compositeur du XXème s'y sont essayés jusqu'à la fin des années 50, en étendant ce principe au rythme, au timbre et à la durée, oubliant peut-être qu'en musique la théorie et la technique ne sont que des moyens !
Il y a eu cependant quelques chef d'œuvres dodécaphonistes, en particulier les opéras d'Alban Berg, mais la qualité des livrets et le support visuel aident grandement à faire passer la pilule de cette musique difficile et austère.

Les deux œuvres sérielles entendues au concert il y a quelques jours n'ont pas modifié ma perception de ce système.
"Kontra-Punkte" de Karlheinz Stockhausen composé en 1952 pour 10 instruments n'est pas écrit par le cœur et les tripes mais par la cervelle ! Ce n'est pas qu'il soit désagréable d'écouter ces notes en "pointillisme" mais ça devient vite monotone même si cette pièce ne dure qu'un quart d'heure.
Même impression de "monotonisme" avec la "Sérénade n°2 pour 11 instruments" de Bruno Maderna, malgré une ambiance champêtre platement jolie ... Maderna dont la mort avait formidablement inspiré Boulez (chrocnote n° 61).

Heureusement les deux autres œuvres au programme nous ont largement fait sortir de l'ennui !

"...es..." de Mark André, compositeur né en 1964, créée en 2008 pour une vingtaine d'instrumentistes.
Ambiance spectrale qui nous plonge d'emblée dans une atmosphère étrange, presque silencieuse au début, silence progressivement comblé par des éclats de notes, piques, froissements, frottements, souffles, gémissements, chuintements, sifflements, baignés dans les belles résonances des deux pianos, et il est intéressant de voir les incroyables sonorités émises par les instruments traditionnels pour peu qu'on les joue "différemment".
On ne peut cependant pas parler de chef d'œuvre, cette pièce ne disant en définitive pas grand chose, restant un peu trop dans l'anecdotique. Expérimentation intéressante plus qu'ars subtilior !

Il en va tout autrement de "Mouvement (-vor der Erstarrung)" écrit par Helmut Lachenmann vingt cinq ans auparavant, dernière œuvre au programme.
L'effectif orchestral est assez proche de celui qu'utilise Marc André, élève de Lachenmann. Timbres et rythmes, déroulé de la composition sont très semblables.
Mais il y a chez Lachenmann le souffle d'une puissante inspiration et une écriture plus maîtrisée, qui fait a posteriori passer la pièce d'André pour une simple et honnête imitation, même si elle est techniquement très réussie.



5 commentaires:

Anonyme a dit…

« on se demande pourquoi tant de compositeur du XXème s'y sont essayés jusqu'à la fin des années 50 ». Sans doute étaient-ils animés par la conviction que l’art naît de la contrainte… comme les allumés de l’OULIPO s’y sont prêtés avec la littérature, produisant beaucoup de m… mais aussi quelques pièces géniales !

« n'est pas écrit par le cœur et les tripes mais par la cervelle ! » C’est souvent ce que je ressens lors des concerts de musique « contemporaine » : il faut avoir lu le fascicule de A et Z, et éventuellement obtenu une licence en musicologie, pour apprécier… là encore, on peut faire le parallélisme avec la littérature, notamment le nouveau roman du XXème siècle. D’ailleurs, je suis convaincue que mon incapacité à écrire vient de mon formatage de khâgneuse : je suis capable de construire quelque chose de techniquement irréprochable mais qui manquera totalement de spontanéité et d’âme !

roch a dit…

Ju =>«C’est souvent ce que je ressens lors des concerts de musique « contemporaine » : il faut avoir lu le fascicule de A et Z, et éventuellement obtenu une licence en musicologie, pour apprécier»

ah non pas du tout !!! je n'ai ni lu le fascicule ni obtenu une licence de musicologie ! J'ai juste fait un effort d'écoute, très progressivement, et me suis ainsi ouvert les oreilles !
Les connaissances livresques sont un plus mais ne sont pas indispensables !
Et tes commentaires ont déjà prouvé que tu as âme et spontanéité ! (et je t'en remercie)

Anonyme a dit…

Julien et moi, avec nos oreilles de profane, en sommes arrivés au même classement pour le concert de mercredi dernier. Comme quoi, ce qui est écrit avec les tripes touche aux tripes le spectateur, même sans l'aide du fascicule…
Je n'ose en conclure que si les passages plus « cérébraux » nous ont emmerdé, c'est parce qu'on n'a pas de cervelle !

Anonyme a dit…

Moi qui ai une tête de linotte ,qui ne comprend rien aux théories musicales j'aime écouter cette musique au concert et aussi "à la maison" mais dans de vraies conditions d'écoute ; pas en fond sonore !!
Quant à la littérature s'il y a du souffle (?) c'est gagné!(bon c'est un peu court mais je pars en vacances!!)

pacolem a dit…

Très juste ton commentaire, ma belle Juliette.
Dans tous les arts, il y a la cervelle et la tripe.
L'art contemporain privilègie la cervelle... très tendance !
Moi je n'aime que les créations des tripes !
La cervelle vient ensuite tuer toute la spontanéité de la tripe...
G Pâ